Monday, August 17, 2009

Schizophrénie

Dimanche 16 août.

Il est bête. Je crois qu’avec ses multiples occupations, il n’a de temps pour aucune. En tout cas, je retire ce que j’ai dit la semaine dernière, car je ne lui trouve aucune qualité à ce Trouillot-la-Trouille. « Individualisme post-moderne à la sauce tropicale ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Il est bon pour un département de lettres d’une université américaine, en tout cas il en connaît le jargon.

Je crois aussi que Trouillot n’écrit pas ses livres, parce que pour fustiger ceux qui touchent les dividendes de la pauvreté et du vaudou, il n’a aucune idée du sujet de ses bouquins. A peine sorti sur mon blog, voilà qu’il fait sienne la critique ! Tu manies bien l’Internet, Trouillot !

Enfin s’ériger comme donner de leçon sans donner de nom, çà porte un nom, eh ! marron ! Tu as peur, et portes bien ton nom. Tu es partagé entre tes indignations et ta sécurité, tant il est vrai qu’on ne sait jamais, Gary Victor ou Jean-Claude Fignolé pourraient bien se fâcher.

Wednesday, August 12, 2009

11 août 2009, En plaine.

Monsieur Lyonel Trouillot, dans ce Kreyol traduit qui lui sert de langue, si savamment mâtiné d’exotisme (des pauvres ! du vaudou ! vite !) pour séduire absolument ce public français qui le fuit (nous ne lui suffisons pas ?), nous inflige maintenant une chronique qui, si elle est mal écrite, n’en est pas moins courageuse (on ne peut avoir tous les défauts tout de même). Il lui arrive donc de s’énerver contre les méchants. J’écoute ainsi, un samedi matin je crois, celui qui, si je me souviens bien, assistait dans sa jeunesse à mes cours. Il fustige –uniquement les acteurs politiques. Trouillot, la moitié insulaire de la fratrie en tout cas, se veut plus qu’une plume : une conscience. Et puis finalement, je comprends : il voudra un jour être président. Je le sens, car je nous connais. Il le veut, depuis tout petit, depuis les discussions familiales sur l’Histoire, depuis les ébahissements maternels. Il le sent d’autant plus qu’il connaît et fréquente des ministres et président à lui inférieur. Dans son école de Delmas où notre bonne avait mis sa fille, on sentait le roi sans divertissement. Le sort et les nécessités économiques lui avaient imposés de devoir donner son temps à des parents aussi pauvres qu’ingrats plutôt qu’à la conduite d’un grand vaisseau. En cours, ce n’était pas Confiant, qui, je le sais, ravissait tellement ses lycéens du Canado qu’ils auraient donné leurs peaux pour lui. C’est que Confiant ne s’ennuyait pas, ni ne pensait à autre chose.
Retour en arrière. Je me souviens d’une nuit, une nuit terrible, au Palais national, entre Ti René, Guy Philippe, Dany Toussaint, une autre personne que je ne nommerai pas, et moi-même. Nous étions alors en 1999. Disons au milieu de l’année. Il était passé minuit. L’homme fort d’alors, c’était Toussaint. On avait tiré sur lui, sa voiture, sur la route de Kenscoff. Sa réaction avait été de foncer, fou de rage, au Palais, ses gardes du corps peinant à le suivre, puis d’exiger et d’obtenir une rencontre avec le Président. Il accusait Guy Philippe, qu’on avait alors fait venir dans la nuit, et il menaçait d’en finir avec les Equatoriens. Il était hors de lui, proférait des accusations et des menaces à tour de bras, sans retenu, avec indécence et générosité à la fois, un peu comme Jean-Claude qui distribuait des billets à tous vents en sortant du Palais. Je n’aurais jamais cru entendre autant de cris de toutes parts en présence d’un président légitime et en place. Enfin, ce n’est pas la question. Comme avec ce pacifique Trouillot aujourd’hui, ce qui me frappait alors, au-delà du sujet de conversation, si tant est qu’il y eut une conversation, c’était cet indicible sentiment que tous les participants ne pensaient véritablement qu’à une chose au-delà des affres de la nuit : devenir président, et que cette idée de leur destin venait de loin, qu’ils en étaient si intimement convaincus que c’en était une honte que de devoir se donner les apparences de le cacher. C’est pour cela que Toussaint était prêt à tout casser. L’assassinat était, pour lui, convaincu de son destin, sûr d’être aimé et indispensable, était la seule chose qui pouvait l’empêcher de présider aux destinées du pays. Son assassinat était donc plus qu’un crime, une injustice personnelle. Il faudra un jour se pencher sur ce syndrome qui fait que la moitié des hommes de notre pays, aussi improbables soient-ils, non seulement se rêvent président, mais surtout se croient promis tel.

Néanmoins, je trouve à Monsieur Trouillot des qualités. Il ose monter aux barricades. Je me souviens de ce jour de printemps, au début du deuxième ou troisième, on ne sait plus trop comment les compter, mandat du petit Père. Le Protecteur du Citoyen m’accueillit avec des déclarations d’amitié tout en me guidant à son bureau. Nous nous connaissions depuis la Belgique. Et ma détestation de son patron et bienfaiteur nous avait éloignés. On en sortit (du bureau) et je regarde alors la personne, en uniforme d’écolière, qui attendait dans la pièce adjacente. Mon vieil ami, pensais-je, aime toujours autant les fillettes, au tout du moins les très jeunes filles, mais la mort n’étant pas loin, on saura gré à l’enfer de préparer une marmite en son honneur, si on peut lui accoler ce terme immérité sinon incongru. Je reconnus à cet instant néanmoins l’effet le plus tragique de notre marronnage : le silence et la peur de parler entérinent toutes les petites horreurs du quotidien, laissant les pauvres plus démunis encore, car la très jeune fille n’appartenait pas à la bourgeoisie, loin de là. Qui a jamais dénoncé cet homme ? Même pas moi. Un pays autrefois fondé sur l’honneur et l’instruction permet à un individu payé par l’Etat d’inviter dans son bureau payé par l’Etat à l’heure où il est payé par l’Etat des adolescentes à peine sorties de l’enfance qui devraient être protégées par l’Etat.


En Dominicanie, les lynchages continuent. Pourtant, nos politiciens semblent presque s’en émouvoir. Un tressaillement. C’est la première fois. Il existe chez nous presque une irritation à l’égard des victimes, seraient-elles des nôtres. Je me souviens ainsi d’un soir, il y a environ quatre ans, juste avant la dernière élection présidentielle. J’étais chez la sœur du candidat qui allait gagner. On continuait à m’inviter, malgré mes longs silences. On m’avait même accueilli chaleureusement. (Cela ne s’est guère reproduit depuis.) En tout cas, j’étais là.
Je me sentais cependant en situation d’infériorité : j’avais dû venir à pied et, à mon âge, cette montée abrupte et soudaine juste avant la maison cossue de cette amie d’enfance m’avait fait profusément transpirer. Dans le jardin boisé, le candidat et futur président était assis entre amis. L’un d’eux, dont je croyais alors qu’il allait obtenir des fonctions aussi importantes que lors du premier mandat, passait de l’un à l’autre, d’une conversation à l’autre, d’une mimique à l’autre, dans une versatilité erratique et joyeuse qui trahissait l’incapacité totale à la concentration –élite oblige. On a décidément les hommes d’Etat qu’on mérite. Je m’étais pourtant convaincu que celui-ci, parce qu’il maniait l’espagnol, était marié avec une Guatémaltèque et vécut longtemps dans le pays de celle-ci, pouvait comprendre la situation des nôtres chez nos voisins. Cet idiot se met alors à parler de lui, comment il y avait toujours été bien traité… je m’arrête là. Le narcissisme aveugle. Non seulement ne pouvait-il s’imaginer à la place de nos compatriotes, mais il ne pouvait véritablement saisir ma question. Et dire qu’on reparle de cet homme comme futur premier ministre.


10 août 2009.
Bill Clinton, l’égocrate qui a, un temps, servi de Président à nos voisins, va retourner en Haiti nous a annoncé radio Métropole ce matin. Une mission économique, dit-on, et au ton du journaliste on sent presque comme une espérance. Comme le temps passe. Cet homme était encore il y a peu honni de la moitié du pays, c’est à dire 184, en tout cas de tout ce qui ne vit pas, ou survit, dans un bidonville et peut lire le journal, la bourgeoisie, ou ce qu’il en reste, mais aussi les étudiants, les intellectuels, et d’autres. On l’accusait de tous les maux, de tous nos maux, c'est-à-dire d’avoir fait rétablir Aristide en 1994. Comme s’il l’avait voulu ! Forcé, il nous avait envoyé les Marines et le petit père, mais dans cette histoire, comme dans sa relation avec nous, il a toujours était passif. Il n’a jamais eu de projet pour ici ; il n’en aura pas aujourd’hui qu’il n’a plus aucun pouvoir. Ce narcisse se soucie d’Haiti comme de sa dernière chemise –et leur actuel président aussi d’ailleurs.

Une chose bénéfique était toutefois sortie de tout ce tumulte, l’abolition de notre armée. Dans tout ce 20ème siècle, elle n’a jamais su que refouler les invasions venues du Lycée Pétion ou de La Saline, tant la guerre civile était la spécialité de cette infâme institution. Oui, certes, il s’agissait d’une institution dans un pays qui en compte bien peu et peut-être est-ce là notre malheur –mais on a les institutions qu’on mérite. Plutôt l’anarchie que des institutions comme celle-là. Car, en vérité, on aurait écrit « police » à la place de « ADH » sur les chars blindés et le résultat eut été le même. Quelle nostalgie a donc bien pu piquer cette Commission présidentielle dont on nous dit maintenant qu’elle recommande son retour après « avoir réfléchi à l’insécurité » ! « Réfléchi » ! Avec des penseurs comme cela, qui a besoin d’imbéciles ? Sont-ils nés après 94 pour avoir ainsi blanchi le sang, le mensonge et l’injustice ? Une armée est censée prémunir contre un danger extérieur, que je sache. Quel rapport entre l’insécurité et la protection des frontières ? Un retour à « l’armée » apparaît comme le fétichisme de nos peurs, justifiées certes, mais sans rapport avec la solution, une vraie force de police. Est-ce notre souveraineté qui est en danger ou la sécurité des personnes et des biens ? Pourquoi ne pas rétablir les Macoutes tant qu’on y est ! Peut-être pourraient-ils résoudre l’insécurité !


6 août 2009.
Je reviens de Miami. J’aime Miami. On peut y circuler sans rencontrer de véhicule « United Nations » à chaque coin de rue et y dîner dans des restaurants agréables sans que les serveurs traitent les clients selon un ordre de la blancheur que n’aurait pas renié le 18ème siècle. Miami, en somme, c’est le rêve noir. Haiti, pays fondé par des esclaves révoltés, est en revanche devenu un lieu curieux où le personnel d’une force multinationale inflige les affres du colonialisme –sans l’investissement d’une métropole. Ces gens-là sont chez nous pour vivre comme des colons pas pour nous diriger. Mais cette vie coloniale peut être tout de même bien pesante pour les Haitiens que nous sommes. A l’aller, donc, au moment d’entrer dans Maïs Gâté, je me mets benoitement dans la file de la sécurité, celle située sur le trottoir. Je vois alors un Blanc passer devant tout le monde, suivant son porteur qui l’amène directement à la machine de contrôle, poussant tout le monde, le tout avec un naturel époustouflant. C’était là son dû. Il n’avait même pas de mépris pour les gens dans la file d’attente ; nous n’existions pas. Arrivent deux autres petits colons, fraîchement débarqués d’une voiture à l’insigne d’une ONG connue qui répare des jambes: même scénario. Sauf que je vois la dame sourire, dire des « mercis » crispés en nous passant devant. La culpabilité ?
Le problème n’est pas ce soi-disant manque de respect envers nous-mêmes comme je l’entends souvent. Le problème est que nous n’arrivons plus à nous énerver en temps réel et à dire à un petit con de blanc d’aller se faire foutre. Qu’on ne m’accuse pas de Noirisme. Je n’en ai pas après les étrangers, j’en ai après les étrangers qui refusent de faire la queue même devant un sexagénaire.

Tuesday, August 11, 2009

vieilles histoires

Mercredi 11 octobre 2008

Il y a une chose que l’on fait bien en Haiti, et sans doute mieux que les autres : débattre. Sur ce plan-là, personne ne nous arrive à la cheville. Si nous avons une caractéristique, c’est que, chez nous, la parole tient lieu d’action. Et dans notre pays, on apprend très tôt à parler au lieu de faire.

Donc on parlait, hier soir, chez Madame Michèle Pierre-Louis, et on parlait du passé (c’est à la limite de la redondance, chez nous, parler, c’est souvent ne parler que de l’histoire). On parlait de massacres, de Trujillo, de la Dominicanie.

Cela a tourné au pugilat. Qu’était donc allé faire mon ami Michel Hector était dans ce navire ? Et Jean-Marie Théodat, dont les cours à la Faculté sont, me dit-on, avidement suivis par des étudiants qui l’estiment ? Ils se sont aperçus que certains étaient en colère. Au sujet de la Dominicanie et de la façon qu’on y a de traiter nos compatriotes. Traiter est un gentil mot, exploiter, discriminer, mépriser, haïr, violer, assassiner et massacrer seraient plus conformes à la vérité et à l’histoire. Comment peut-on s’imaginer pouvoir discuter de l’histoire lorsque les parallèles avec l’actualité crient que le passé n’est point révolu ? Comment discuter lorsque le débat des historiens n’est pas, ne peut être pacifié.

Comment parler de 1937 alors que, pour à peu près les mêmes raisons, il y a 2001, 2002, 2003, 2004, 2005, 2006, 2007 et il y aura 2008 et 2009 et 2010 ?

La vérité, la grande, la seule vérité, c’est que nos élites politiques et intellectuelles, principalement issues de la petite bourgeoisie, se foutent éperdument du sort des Haïtiens en République Dominicaine parce que ces derniers sont pauvres, illettrés, sans défense –c'est-à-dire, en un mot, invisibles. Il est beaucoup plus intéressant de séduire les élites intellectuelles et politiques de nos voisins, de faire comme le paon avec sa queue, regardez comme je suis beau, écoutez comme je sais bien manier le verbe, écoutez comme je suis intelligent, regardez bien comme je ne travaille pas dans les bataye, moi, et dans les chantiers de Santo Domingo. Regardez comme je ne suis pas nationaliste et comme j’en appelle à la réconciliation. Honte à vous. Je l’écris sans point d’exclamation, sans hurler, terrassé de honte et de tristesse –honte à vous, intellectuels sans conscience noire. Qui ne veut pas hurler sa haine et sa fureur aux Dominicains n’est ni noir, ni haïtien ; ni patriote ni rien. Qui ne hurle pas n’a ni conscience sociale ni conscience noire. Ces gens-là tuent et violent des gens de notre sang avec impunité, sourire aux lèvres, et bénédiction de leur président et de leurs évêques. Et que faites-vous, Haïtiens ? Vous en appelez à la réconciliation ? Est-ce que Dessalines en appelait à la réconciliation ?

Si Nord ne m’avait barré le chemin de la présidence, si j’étais aujourd’hui président, voilà ce que je ferais : je ferais la guerre à la République Dominicaine. Rien de moins. Pas la guerre avec des armes, bien sûr, sur ces choses-là, nous ne valons plus grand-chose depuis que nous avons été émasculé. Je ferais la guerre symbolique, la guerre sociale, la guerre internationale, la guerre intellectuelle, bref, la guerre totale. Je dirais haut et fort, devant une tribune des Nations Unies, à New York, que les Dominicains sont aujourd’hui le peuple le plus raciste de la terre et qu’il ne mérite aucun respect. Je fermerais les frontières (ils en souffriraient, nous moins). J’interdirais les vols entre les deux pays. Je mènerais une campagne internationale, dans la presse, auprès des ONG et du corps diplomatique contre la Dominicanie. Quelque soit le visiteur, journaliste étranger, ambassadeur, dirigeant d’organisation, je ne lui parlerais que de çà. De rien d’autre. Cette situation est inadmissible. Je n’aurais qu’un seul objectif : faire en sorte que lorsqu’on évoque la République Dominicaine en n’importe quel point du monde, la première chose qu’il vienne à l’esprit soit le racisme anti-Haitien.

Je vais vous dire la vérité. Voilà des décennies que je me rends dans ce pays. Je connais bien des dizaines de dominicains. Ces gens-là sont persuadés qu’une Haiti développée, avec un tourisme fort, leur porterait préjudice. Tous. Si beaucoup n’apprécient guère la violence active du petit peuple contre les Haitiens, ils ne font rien contre et ils rêvent tous d’une République sans haitiens.

Et puis il y a leur Président. Cet homme a manipulé sans vergogne la haine déjà ancestrale de ses compatriotes et qui s’est élevé chez nous contre cela ? Qui parmi ces organisations de droits de l’homme si promptes à venir nous renifler pour vérifier que nous ne sommes pas des sauvages a manifesté un outrage à la mesure du mal infligé et de l’irresponsabilité manifesté ? Quel tribunal jugera un jour cet homme sans conscience ?

Il y a leur attitude, qui n’est finalement, pas si extraordinaire que cela. Il s’agit du mal dans toute sa banalité. C’est notre attitude qui est incompréhensible, d’une lâcheté sans nom, imbécile, et derrière laquelle il n’y a finalement que notre haine de nous-même et le vieux mépris de la paysannerie et des pauvres. Finalement, Aristide n’avait pas si tord (menteur, voleur, hypocrite, tout ce qu’on veut, mais il voyait bien que le pauvre nous est invisible).

Thursday, October 11, 2007

10 octobre

On parle maintenant de « turn around ». Le pays irait dans la bonne direction. Monsieur Morse, sympathique manager du plus bel hôtel en déliquescence du pays (quel symbole en vérité !) affirme qu’après avoir convaincu Ti René de se représenter, le pays va désormais dans la bonne direction. Le tournant tant attendu aurait eu lieu.

L’hôtel de Monsieur Morse ne le laisse pourtant pas deviner. L’hôtel est pourri. Je n’y logerais pas un Duvalier. Quelle misère. Quelle tristesse. Cet hôtel était beau, et surtout il était honnête, et pourtant les hôtels de mauvaise fumée sont légion dans notre pays. Il y avait, en effet, de mon temps, des hôtels très beaux, charmants, mais où pour rien au monde un homme de bien n’aurait mis les pieds. L’Ibo Lélé était de ceux-là. Son aspect intérieur a depuis rejoint le déshonneur Duavliériste de ses propriétaires. Ceux du Montana, eux, ne payaient pas leurs impôts. L’Oloffson, en revanche, c’était un hôtel honnête et beau. On avait plaisir à y aller et à y dépenser son argent. C’était presque un acte de patriotisme. Mais depuis quelques années, quelle décadence. Personne n’a mis une gourde dans ce bâtiment depuis des lustres. Les moustiques pullulent. La peinture est partie à Miami. L’EDH, elle, ne s’est pas encore décidé (à partir ou à rester). Un plat de spaghettis y coûte dix dollars américains. Et son gérant convainc Ti René de faire président. Et il croit que le pays va mieux. Au moins, il n’y a aucun doute que Morse est Haïtien. Comme nous tous, il souffre d’une cécité caractéristique : nous n’avons aucune idée de nos urgences. Seules les diaspora de retour ont le yeux pour cela.

Ti René parle peu. Latortue ne parlait jamais, trop conscient de sa propre illégitimité, trop bête et repu de sa propre arrogance. Mais Ti René ne parle pas assez. Lui, c’est par paresse et par arrogance, du pouvoir certes, mais à la fin, c’est pareil. Donc Ti René ne parle pas et ne précise pas si le CEP est toujours en place ou pas. Peut-être que oui, peut-être que pas. Aujourd’hui, 10 octobre, personne ne sait. Ti René ne se donne même pas la peine de dire. Ti René serait insatisfait par les performances du CEP. A-t-on jamais choisi un membre du CEP qui avait un tant soit peu d’expérience électorale ? Sommes-nous le seul peuple au monde où les individus chargés d’organiser les comices n’y connaissent rien et n’ont jamais eu la moindre expérience dans ce domaine ?

Tuesday, October 2, 2007


12 mars 2006

J’ai donc décidé de parler. Ma qualité de fantôme depuis longtemps me permet d’aller et venir dans les cercles du pouvoir, et dans d’autres, et de recueillir ou d’observer, ici et là, des faits qui ne parviennent que trop rarement au fait du public.

J’ai donc décidé de parler, de raconter, car j’en suis venu à la conclusion que notre marronnage verbal est la pire plaie dont souffre ce pays. Ceux qui savent ne parlent pas. Et si l’on savait, nos hommes politiques changeraient.

Je vais tenter de ne point trop m’exprimer sur Ti René. C’est que je connais l’animal depuis son enfance, du temps où avec Hervé Denis, il visitait la maison des S., mais passons sur cette époque révolue. Car au fond, j’aime bien Ti René, beaucoup même. L’homme est bon, fondamentalement, et chaleureux, à sa façon. Il ne vole pas, il ne tue pas. Vu notre histoire, peut-être devrions-nous nous contenter de cela. Peut-être pas. Qu’il soit devenu président demeure tout de même un mystère que l’histoire ne résoudra peut-être jamais. Passons à autre chose.



2 mai 2006

On parle beaucoup d’occupation. Vous ne lirez chez moi aucune velléité nationaliste –je laisse cela pour toujours à mon ennemi Alexis. C’est que notre pays est déjà occupé, par la pauvreté, cela s’entend, mais aussi la lâcheté et notamment la lâcheté intellectuelle, que l’on appelle, chez nous, marronnage.

C’est qu’il y a occupants et occupants. Les romains étaient tout de même des envahisseurs brillants, si l’on peut dire, et si l’on dit aujourd’hui « un travail de romain », on rend gloire à leur effervescence d’occupants. On ne dit guère, en revanche, « un travail d’ONU », ou alors par goût de l’euphémisme. Peut-on donc se dire « occupés » par des gens qui, ma foi, ne semblent pas faire grand-chose et dégoulinent de prêchi-prêcha en tout genre?

Il y a donc plusieurs types d’occupants. Il y a les occupants méchants, disons comme les Nazis en Europe, qui massacraient et massacraient. Il y a les occupants méchants et besogneux, disons comme les américains de 1915 à 1932, qui massacraient et construisaient. Enfin il y a les occupants feignants. Les nôtres, donc. Ceux-là, c’est tout de même une trouvaille de l’histoire. Ils parlent et ne font rien et avalent des sommes d’argent qui nous semblent, avec notre petit kob haïtien, astronomiques. Ces occupants-là ne sont pas méchants, inutiles certes, et même d’une grande obscénité morale (comment avaler des millions de dollars chaque semaine, ne rien construire et prétendre « mettre le pays sur le chemin du développement » ?) mais pas méchants. Pour faire du mal, il faut être capable d’action.

Comment donc peut-on s’énerver comme certains de nos intellectuels et journalistes aujourd’hui, en comparant l’ONU d’aujourd’hui aux Américains des années 1920 ou aux Français d’antan? Nous empêchent-ils de nous gouverner ? Bien sûr que non, et notre bel acharnement à nous enfoncer dans notre misère et nos travers n’est jamais démenti par aucune ingérence de ces « occupants ». Décident-ils pour nous ? Ils ne peuvent décider pour eux-mêmes. Volent-ils nos ressources ? Nous n’en avons aucune.



11 mai 2006

Je reçois un courrier inquisiteur. Je serais contre le premier ministre, sans doute référence à une missive antérieure et postée ici même. Je parlais évidement de Nord et seulement les ignares d’aujourd’hui n’auront pas compris. C’est qu’il y a beaucoup d’Alexis dans notre pays et notre histoire. Homme politiques, écrivains, massacreurs, ils ne manquent pas. Celui d’aujourd’hui, Jacques-Edouard, donc, a toute mon estime, et si je le connais personnellement, je pense être en mesure de fournir une évaluation objective de l’individu. C’est que je connais beaucoup de monde personnellement (ah ! s’ils savaient…), et si beaucoup ont mon affection, tous n’ont pas mon estime ni soutien politique. Jacques-Edouard est bien le seul, dans tout ce marigot népotique, à ne devoir sa fonction qu’à ses talents et son labeur, un homme, en quelque sorte, issu d’une méritocratie dont notre pays n’est pas doté. On peut être gré à Ti René, qui ne connaît évidement rien à la méritocratie, d’avoir tout de même choisi cet homme-là.

Les inventions d’aujourd’hui sont des manies. Je regarde donc volontiers la télévision, surtout la TNH, reflet de nos travers, fenêtre de notre décadence. Qu’y vois-je hier ? Un de ces personnages nationaux, quasi-consensuels, imposé par l’étranger dit-on. Il serait l’homme de la situation, car dans notre pays sans armée la police fait office de lieu de pouvoir. Je vois donc Mario A., l’air grave dans son uniforme, répondre aux question avec cet art consommé du marronnage, et je ne peux m’empêché du jour où je l’ai vu pour la première fois, il y a maintenant plus de sept ans….

C’était en semaine, un mardi ou un mercredi je crois. Le futur président d’alors me reçoit dans sa nouvelle maison. Cela faisait déjà plusieurs années (trois ?) que nous ne nous étions pas revus. Un papier dans Le Nouvelliste avait jeté un froid entre nous. Il m’accueille chaudement, avec un sourire, les yeux dans les yeux, les mains sur les miennes et je faillis bien tomber à nouveau dans le piège, dans la nostalgie et dans l’affection de l’individu. Je me répète alors les phrases que je m’étais juré lors du trajet : « Pas cette fois-ci, il ne t’aura pas », « méfie-toi ». Mais il m’a eu. Et nous nous mettons à sourire, puis à rire, puis à évoquer le passé dans ce que je craignais le plus, la communion de l’amitié. Et j’en finis à accepter son invitation de rester pour souper le soir même. C’est alors que j’assiste à un curieux spectacle. Sa table est toujours ouverte. Plusieurs individus arrivent, jeunes, forts, avec ce port de soi auquel on reconnaît les hommes qui n’ont pas besoin d’avoir peur. Des policiers. Des chefs. Ils arrivent les uns après les autres, se saluant de loin et plutôt froidement. On mange, on se baigne dans la piscine, on discute. L’un d’eux, dont j’apprends alors le nom, Mario A., sort de sa poche un papier froissé et se met à le lire. C’est un poème. Le jeune commissaire de police écrit des poèmes. Et il les récite, d’une voix claire (il a dû répéter avant de venir), mais les yeux rivés sur son papier. Il y est question de Lavalas, puis de « Titide », de Dessalines, de la gloire des hommes nouveaux et des hommes anciens, etc.. Il utilise des rimes qui ne marchent pas toujours, des allégories de rétho. Je me rends compte que le niveau d’éducation a singulièrement baissé dans ce pays mais que par contre on reste d’une grande fidélité à la servilité. Ce poème néanmoins me réveille, moins par sa médiocrité que parce qu’il me rappelle enfin la nature de notre hôte. Quel homme peut réellement apprécier sans broncher des poèmes à sa gloire ? Mais les déceptions continuent. Les convives, nombreux à avoir entendu le jeune commissaire réciter des louanges, applaudissent. Seuls quelques uns des autres policiers conservent un air ténébreux. Soit ils sont jaloux, soit ils n’apprécient pas la poésie. Qui aurait cru ce soir là que le jeune poète deviendrait plus tard un ensevelisseur silencieux de son hôte d’alors et un des hommes les plus puissants d’Haiti… Notre république est ainsi faite qu’elle récompense toujours les marronneurs.

Et les marronneurs sont toujours des incompétents (ne cherchez pas, toujours). Car leur être tout entier est mobilisé pour la survie, pour durer, pour ne point fâcher Nord Alexis, Duvalier et les autres.


22 mai 2006

Je reviens de l’enfer, littéralement. C’est que tous les morts n’ont pas le luxe de devenir fantôme. Je voulais me faire mon opinion sur certains individus et évènements du passé d’où mon désir de rendre une visite en enfer. Aussi, après avoir obtenu un laissez-passer du diable en personne, je me suis rendu en enfer le temps du week-end, une visite de courtoisie en quelque sorte, auprès de certains de nos compatriotes défunts et assignés pour l’éternité à cet endroit peu agréable. Je voulais rencontrer François Duvalier. Hélas, cela ne fut pas possible. C’est que le pauvre homme, après avoir mijoté tant et tant dans sa marmite s’était changé en « stew » comme diraient les anglais. Il était méconnaissable. Liquéfié dans la soupe. Faisant remarqué au diable sa propre incompétence (après tout, pour faire rôtir les méchants dans l’éternité, il faut tout de même les maintenir en permanence en état de cuisson), celui-ci, gêné, prétendit qu’il s’agissait d’une vielle coutume de l’île, les Tainos ne se gênant point pour cuire les vilains Espagnols. Qui aurait cru que le diable aussi marronnait. Décidément, on ne peut plus faire confiance à personne.

C’est alors que, reprenant le chemin de la sortie, je vis des marmites vides, et neuves, négligemment délaissées sur le côté dudit chemin. Elles portaient des noms. Je fis remarqué au diable que l’on ne pouvait être certains de leurs destinataires : étant en vie, ils avaient encore le temps de sauver leurs âmes, d’attendre le jugement, de renverser la tendance comme on dit aujourd’hui. Il n’était tout de même pas trop « trop tard ». Il se tourna vers moi avec pour la première fois un air de sincérité surpris. Même Aristide, remarqua-t-il ?

Sur ces paroles, le diable me quitta : « Vous connaissez le chemin, je ne vous raccompagne pas ». Je me dirigeais alors vers la sortie lorsque tout à coup un grand fracas me fit me retourner. On venait de jeter au sol de nouvelles marmites, flambantes neuves de la forge. Alors que les diablotins s’éloignaient, je ne pus résister à ma curiosité et fit quelques pas en arrière. Deux noms me surprirent plus que d’autres. « Méfiez-vous », menaça le diable, la curiosité est un vilain défaut… ». Un frisson parcoura mon dos de fantôme mais Dieu avait déjà tranché sur mon cas il y a bien longtemps. Je profitais du retour du diable pour lui poser des questions qui brûlaient mes lèvres. Le père Jean Juste, je peux comprendre, dis-je, et encore, mais pourquoi Latortue ? Le diable me lança un regard de mépris, comme si la réponse était trop évidente pour mériter son effort : « L’incompétence tue. Les petits larcins (hélas, fit-il), ce n’est que le purgatoire. Mais le narcissisme, l’égocentrisme, la bêtise pure, le mensonge continu, la lâcheté intellectuelle, la lâcheté physique, il n’a rien pour compenser son incompétence…. Quand au père Jean Juste, détrompez-vous, il pourrait bien ne jamais nous rejoindre. C’est que, après nous être entretenu sur son cas avec le Bon Dieu, nous avons conclut que ce bonhomme est cliniquement fou et donc irresponsable. Ces crimes seraient donc involontaires. »


27 mai 2006

Je vis ce vieil Yvon Neptune, l’autre jour. C’est que, après avoir visité l’enfer, je visite les prisons. Je lui fis la remarque que son discours sur les arabes avait singulièrement manqué de goût. Quand on se veut homme d’Etat, on ne fait pas ces choses-là. Pourquoi avoir gardé de cet homme ce seul évènement au détriment de beaucoup d’autres, et des pires ? Que sais-je, divagation de fantôme sans doute, ou alors est-ce l’affection de ma descendance, du côté de ma nièce, presque tous mariés à des Libanais. Voulant m’amadouer –qui ne craint pas les fantômes ?- Neptune me parle de m’emmener, dès sa sortie de prison, dans sa maison de vacances, situé en bord de mer, comme il se doit lorsqu’on porte un tel nom et que l’on a goûté depuis longtemps au pouvoir. Je reviens aux les Ottomans. Nord Alexis déjà avait permis des attaques contre leurs biens, dès 1902. Neptune n’a pas l’air doué pour l’histoire. Pour la poésie si, mais l’histoire…


29 mai 2006

Je vois Ti René ce week-end. C’est un des rares hommes qui n’a pas peur des fantômes et qui m’accueille avec bienveillance, heureux même. Nous avons tant d’amis et de moment communs. Nous sommes de la même génération –même un fantôme peut parfois faire des confidences… c’est que, comme tous les fantômes, je dois peut-être aussi brûler d’être découvert. Il me remarque avec affection et nostalgie les discours que je lui avais écris, en 1995. Il me rappelle cette nuit de novembre (ou était-ce octobre ? ma mémoire me fait défaut) où, dans une chambre du seul hôtel de Hinche, il me demande d’adresser la foule à sa place. Il en garde un souvenir hilare. Je me souviens de ma double impression. Ma peur d’adresser la foule et de me faire passer pour Ti René, et ma déception, incisive comme une blessure à l’arme blanche, face à l’indigence morale de l’ami que je servais. Pour moi, cette nuit avait été le début de la fin. Je m’approche en hésitant près de la fenêtre, je l’ouvre, tétanisé, et c’est alors que des clameurs me viennent en plein visage. « Préval ! Préval ! » me crie la foule. Quel historien pourra jamais croire que le futur président du pays ronflait dans son lit alors que je criais des slogans à la foule assemblée.



9 avril 2007

Je reçois visite, au mois de février dernier. C’est que désormais, l’on me visite, me priant d’intercéder auprès des puissants, tout du moins auprès des vivants. C’étaient des candidats. En colère, comme il se doit, sinon dans notre pays, un candidat ne se déplace pas. Et tous du même parti qui plus est. Lespwa. On leur avait promis ceci, et puis cela, et puis plus rien. Ti René les avait laissé tombé comme des vielles chaussettes. Comme ce Joel L., qui fit si bien sa campagne présidentielle sur Port-au-Prince et dont le téléphone cessa de sonner aussitôt l’annonce par le CEP du résultat final. Ti René, tu oublies vite ceux qui ont travaillé et tout donné pour toi.



10 avril 2007

Bien, on se plaint de mes confidences. Un Haïtien ne fait pas ces choses-là, me dit-on. Mais qui me lirait sinon ? On ne vient ici que pour en lire, des confidences. Mais je n’écris point de ragot. J’écris ce qui j’ai vu et, à l’occasion, sur des faits que j’ai pu soigneusement vérifier.


30 avril 2007

Mon cher Mario, je vois que ma dernière contribution ne vous a pas laissé indifférent. Votre français est toujours aussi médiocre, mais je ne vous blâmerai pas pour l’incompétence tragique des années 80. Je ne peux néanmoins accepter vos dénégations. Vous et moi savons pertinemment ce qui se passait à Tabarre et les poèmes à la gloire d’Aristide que vous écriviez (mal) et récitiez (hélas) les yeux rivés sur votre papier chiffonné. D’autres ont fait pire, bien pire. Que je sache, vous n’avez ni volé ni envoyé les chiens dans la rue pour satisfaire le maître du pays d’alors. Je ne vous demande donc pas de battre votre coulpe. D’autres mériteraient autrement de se lancer dans les contritions. Je crois néanmoins que ce pays ne s’en sortira qu’avec des hommes droits, courageux, irréprochables. Vos poèmes vous honorent peu. Ce que je me reproche, à moi, en revanche, c’est de ne pas avoir requis une copie de vos fameux poèmes. Mais ne niez ni vos faibles talents littéraires ni leur destinataire. Vous et moi savons pertinemment que nous n’étions pas seuls ce soir là avec l’hôte de Tabarre, une quinzaine de personnes au moins nous accompagnaient, vous ont entendu et nous savons lesquelles. Plusieurs proches d’Aristide étaient là, plusieurs commissaires de police, plusieurs candidats à la présidentielle même. Dois-je les citer aussi ? Certes, aucun d’entre eux n’est plus dans la police (vous avez bien manœuvré !) ni dans la court d’Aristide (vous n’y êtes pour rien, en bon marronneur), ni même dans le pays.


11 mai 2007

Un lecteur me demande si je connais les responsables de l’assassinat de Jean Dominique. Etre fantôme ne fait pas de vous un magicien ou un devin. Je n’en sais rien, même si j’ai l’arrogance d’affirmer en savoir beaucoup. C’est que ma propre enquête n’est point terminé et, en temps voulu, je m’exprimerai sur ledit assassinat et sur celui du Sénateur Toussaint, en 1998, que tout le monde a déjà oublié. Dans une république digne, la foule aurait pris la rue. Dans l’anesthésie Lavalassienne d’alors, rien ne se passa.



1er octobre 2007

Les 70 mots qui pourraient faire tomber la République

Mon cher Gassant,

Vous poursuivez à nouveau des méchants. Une odeur de corruption entoure désormais le CEP (qui n’y est peut-être pour rien, allons savoir, l’enquête a à peine débuté). Cependant, mon cher Gassant, le pire qu’ait fait le CEP n’est peut-être pas d’avoir détourné de l’argent à des fins personnelles (ou peut-être n’y a-t-il jamais eu malversation, je le répète : je n’en sais rien). Le pire, c’est de n’avoir jamais appliqué la loi électorale. Je pense évidement aux articles 154 et 155. Relisons-les :

Article 154: Tout don de plus de 50,000 gourdes fait par une personne physique ou morale à un parti politique, groupement ou regroupement de partis politiques devra être communiqué au CEP.Article 155: Tout parti politique, groupement ou regroupement de partis politiques devra remettre au CEP une liste détaillée et complète de tous les dons de plus de 50,000 Gourdes faits par les personnes physiques ou morales à son organisation.

Soixante-dix mots tout juste. Et comme disait Aristide, « Ah ! qu’il sent bon l’article 154 ! Il parfume, l’article 154 ! Quelle bonne odeur de brûlé ! Il suffit de le mettre au cou…». Bon, arrêtons les plaisanteries. Après tout, nous ne sommes plus en 1991. D’ailleurs, cet article est mal foutu, comme tout ce que font ces experts grassement payés (qui a pondu cette loi ? le PNUD ? L’IFES ? Ce ne sont en tout cas pas les conseillers électoraux) car il n’est pas stipulé qui doit effectivement « communiquer » les noms et le montant des dons, même si l’on se doute qu’il s’agit des candidats. On aimerait donc bien savoir qui a donné à qui. Je répète : Qui a donné à qui ? Combien de candidats se faisant passer pour des fils du peuple sont en réalité des fils de p.., s’abreuvant aux mamelles des riches et des rappeurs ? Combien de candidats se sont-ils volé eux-mêmes, l’argent passant allégrement de leur campagne à leur compte en banque (la victoire est aléatoire, l’argent pas). Oh ! Combien de Préval, combien de Baker se sont-ils soudain souvenu de leurs amis d’enfance ? Et combien de Mochrenha (quel nom ! On dirait une maladie pulmonaire !) ont-ils plumé allégrement leurs propres ouailles au de lendemains messianiques ?

Donc, nous voulons des noms. La loi l’exige. Car il est évident qu’on a dépensé beaucoup d’argent dans cette campagne, et pas seulement Ti René ou Charlito. Des dizaines de millions, et ce ne sont pas grâce à des petits dons de 50,000 gourdes qui ont été fait.

Combien de valises sont-elles sorties de l’ambassade de Taiwan ? Combien de coffres sont-ils sortis de l’ambassade de Taiwan ? Combien de container ? Car on cite volontiers les mécènes habituels (les Meus, Acra, Brandt, Biggio et compagnie) mais qui parle de l’étranger dans cette interminable campagne ? Car dans ce pays, quand on parle de l’étranger, on n’évoque que les blancs puissants, et trop rarement les Dominicains et les Taiwanais. Combien d’argent Wyclef Jean a-t-il dépensé, lui d’habitude si habile qu’il fait dépenser les autres, ministères haïtiens compris, pour sa propre gloire (et vidéos) ? Et pour combien de candidats ?


2 octobre 2007

Je suis allé voir Dieu hier soir. C’est qu’être fantôme donne certains droits. J’étais allé quémander une faveur, une grande faveur, non pas pour moi, certes, mais pour mon pays, une mission de lobbying, en quelque sorte. Ne pourriez-vous pas faire du marronnage un pêché capital ? Çà ferait beaucoup, non ? me répond-il. J’insiste. Je tente de lui démontrer qu’il s’agit de la survie d’une nation. J’y penserai, me fait-il en s’éloignant.